Milo Forest - La Citadelle des Vitreux
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Milo Forest - La Citadelle des Vitreux

Année de parution : 2005
Éditeur : Magnard Jeunesse, collection Tipik littérature
ISBN : 978-2-210-96916-2

Milo vient de déménager. Un autre collège, une autre ville au bord de l'océan... Depuis sa naissance, il n'a jamais connu que cette suite épuisante de recommencements. Pourquoi sa mère l'entraine-t-elle ainsi dans sa fuite éperdue ? Qui cherche-t-elle a semer ? Et quel est cet homme, rencontré le jour de la rentrée, dans cette ville où elle n'a pas d'attaches ? Quand il pénètre dans la classe des 4eB, ce matin-là, Milo ignore encore le secret de ses origines. Il est loin d'imaginer de quel don incroyable la nature l'a paré. Sa vie est tout prêt de basculer au cœur du fantastique...

Milo Forest - La Citadelle des Vitreux

Année de parution : 2005
Éditeur : Magnard Jeunesse, collection Tipik littérature
ISBN : 978-2-210-96916-2

Milo vient de déménager. Un autre collège, une autre ville au bord de l'océan... Depuis sa naissance, il n'a jamais connu que cette suite épuisante de recommencements. Pourquoi sa mère l'entraine-t-elle ainsi dans sa fuite éperdue ? Qui cherche-t-elle a semer ? Et quel est cet homme, rencontré le jour de la rentrée, dans cette ville où elle n'a pas d'attaches ? Quand il pénètre dans la classe des 4eB, ce matin-là, Milo ignore encore le secret de ses origines. Il est loin d'imaginer de quel don incroyable la nature l'a paré. Sa vie est tout prêt de basculer au cœur du fantastique...

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Chapitre 5

La chambre des sentences

— COMMENT ÇA, PERDU SA TRACE ?
La voix sépulcrale résonna sur les murs de pierres noires comme un monstrueux coup de gong.
— Mais... Maître... nous allons le retrouver...
L’homme tremblait devant l’ombre qui claudiquait devant lui. Il savait déjà en prononçant ces mots qu’il était condamné. Il le savait aussi en montant les marches de pierres qui conduisaient à cette maudite chambre. Rares étaient ceux qui étaient redescendus de la Tour Sombre. Et pourtant, il avait gravi ces marches. Il était monté vers sa perte. Il savait, en acceptant cette mission, qu’il ne pouvait que réussir, et son échec signifiait sa fin prochaine. Il savait, aussi qu’il ne lui servait à rien de fuir. Son Maître aurait eu tôt fait de retrouver le mouchard qu’il avait activé en lui et, d’un simple geste de la main, il l’aurait anéanti, où qu’il soit.
— Pauvre larve dégénérée ! Toi, un Traceur de dragons ?
Le Maître émit un gargouillis répugnant, comme si une anguille avait élu domicile dans sa gorge et cherchait à en sortir. Puis, ce qui devait être un rire s’amplifia jusqu’à devenir un insoutenable hurlement.
— Quelle décadence ! tonna-t-il. Comment ai-je pu perdre du temps à t’initier ? Dis-moi comment ta misérable petite mort pourrait racheter cette impardonnable négligence ?
L’homme se tenait prostré devant son Maître, il avait déjà accepté sa disparition imminente. La sueur trempait la peau de son crâne chauve et coulait sur son visage. Il ne voyait plus rien. Même ses oreilles n’entendaient plus que des bribes de phrases. Ses jambes commencèrent à chanceler. Toute la pièce autour de lui vacilla.
— Tu n’es déjà plus que l’ombre de toi-même, dégorgea la sinistre voix.
Le Maître le méprisait de son regard vitreux. Puis il s’assit à une lourde table de chêne et, la tête penchée en avant dans l’ombre du capuchon de sa cape, il caressa nonchalamment un énorme lézard aux mêmes yeux laiteux que les siens, qui dardait régulièrement sa langue vers l’homme terrifié n’arrivant plus à masquer sa peur. D’un geste dédaigneux, il palpa négligemment son menton.
— Pourtant... » éructa-t-il.
Dans une coupe d’argent qui trônait sur la table, le Maître prit un fruit étrange. D’un coup d’ongle noir, il en fit sauter l’écorce et le croqua de ses dents jaunies. Il le mâcha longuement et, déformant sa bouche, en recracha prestement un insecte qui s’envola aussitôt. Rapide comme l’éclair, le lézard rattrapa le scarabée d’un coup de langue habile et l’avala goulûment.
— Je vais te laisser une chance de réparer ton erreur, marmonna le Maître en suçotant le reste de son fruit. Retrouve ce dragon ! Mais cette fois, si tu échoues, ta fin, et celle des tiens, sera lente et douloureuse. Et tu sais que je tiens toujours parole en ce domaine.
Lentement, l’homme revint à la vie. Il n’en croyait pas ses oreilles. Il avait survécu à la chambre des sentences. Quand il eut recouvré ses esprits, il s’éclipsa à reculons, penché en avant en signe de déférence, priant pour que son Maître ne change pas d’avis avant qu’il ait pu quitter la pièce.
— Je suis vivant ! murmurait-il en descendant l’escalier. Le Maître m’a épargné, je suis vivant !
En prononçant ces mots, l’homme touchait son torse, ses jambes, son visage, pour bien s’assurer de l’exactitude de ses sensations.
— Tout ça pour un dragon ! Maudit dragon ! Et un jeune, en plus ! Il faut que je le retrouve. Il faut absolument que je le retrouve. Miguel m’aidera, cette fois-ci. Il ne pourra plus se dérober.
Quand il arriva dans la salle des Traceurs de la forteresse, tous furent surpris de le revoir.
— Pavel ? Tu n’es pas monté dans la Tour Sombre ?
— Si, bien sûr !
— Mais, tu as bien perdu la trace de ton dragon ?
— Je l’ai perdu, oui. Pour mon plus grand malheur.
— Et tu es de nouveau parmi nous ?
— Comme tu peux le constater.
Un silence plana un instant sur la salle.
— Alors, bienvenue chez les vivants, Pavel, et mort aux dragons !
— Mort aux dragons ! entonnèrent-ils tous ensemble.
La salle des Traceurs contrastait radicalement avec le décor moyenâgeux de la forteresse. Envahie d’ordinateurs et d’écrans géants, encombrée de câbles et criblée de voyants lumineux, elle aurait pu ressembler à un laboratoire de haute technologie, mais on y croisait aussi des boules de cristal, des vieux parchemins et autres corbeaux espions, dignes d’un repaire de sorciers. Pavel s’installa à son bureau, où s’entassaient pêle-mêle livres, photos et journaux divers. Il remit un peu d’ordre dans ses dossiers, jeta dans la poubelle ses deux feuillets de convocation à la Chambre des Sentences, qu’il prit soin de chiffonner avant, et coiffa le microcasque de son téléphone. D’un doigt méprisant, il enfonça la touche marquée d’un cercle pointé sur son clavier d’ordinateur, et son écran se mit à briller sur l’emblème des Traceurs : saint Georges terrassant le Dragon. Il effleura du pouce la boule noire qui déplaça le pointeur sur l’écran, cliqua de l’index sur l’icône de propagation et attendit quelques instants avant de parler.
— Miguel ?... Il me faut le jeune dragon... Juste quand j’allais enfin le capturer... Alors, tant pis, je lancerai des Traceurs sur ta piste... Je ne t’ai jamais rien promis, Miguel. Si j’échoue, nous mourrons tous ! Et dans des souffrances atroces, pour ça tu peux faire confiance au Maître... Bien sûr, si tu me le livres, j’oublierai que tu existes, et plus personne ne pourra retrouver ta trace... Demain soir, chez toi. Le Couloir restera ouvert jusqu’à minuit, et pas d’entourloupe, cette fois ! Bonne nuit, Miguel.
Pavel retira son casque et le posa sur son bureau. Il s’adossa au fond de son siège, fixa machinalement l’écran de son regard vitreux et fit osciller plusieurs fois son fauteuil avant de se redresser. Il réalisait peu à peu que sa vie reprenait son cours. Il se leva et se dirigea vers le couloir. Arrivé devant un distributeur, il appuya sur la touche « Grande soupe sucrée ». Pavel n’avait jamais remarqué à quel point la soupe que synthétisait cette machine était savoureuse. Il s’assit dans un fauteuil tout proche et but de grandes gorgées qui adoucirent sa gorge desséchée.
 

Copyright Ephémère / François Larzem